Carnet de Georges Rodolausse – présentation

carnet Georges Rodolausse V2

Commentaires ajoutés à la présentation du carnet pour faciliter sa lecture.

Le fichier ici (lien  carnet Georges Rodolausse V2 ) est celui du carnet complet. Les pages sont aussi visibles dans certaines rubriques ; landaus, gaines d’obus, promptocric… 


Nous ne sommes pas spécialistes, aussi nous nous contenterons d’insister sur les éléments originaux plus que sur l’analyse critique des procédés mécaniques et chimiques.

Pour replacer ces pages dans la chronologie de l’entreprise, se reporter au livre consacré à l’entreprise : Rodolausse une famille d’inventeurs.

Les gaines d’obus occupent dans ces pages une place prépondérante. C’est à la fois une production nouvelle par rapport aux machines agricoles, avec des outils très différents : presse, usinage, traitement de surface, contrôle très pointus du client : l’armée.

La première étape est l’acquisition de matériel : la plus grosse pièce est la presse Toledo qui a une force de 100 tonnes (page 6). La chronologie n’étant pas respectée, le carnet récapitule page 7 les résultats de production pendant les 3 ans, de 1951 à 1953. Les trois marchés ont permis de produire 729 600 gaines.

À partir de la page 8, Georges Rodolausse étudie les points-clés du futur marché. Nous sommes en 1954 et il espère une nouvelle adjudication. Toutes les pages qui suivent sont une analyse détaillée des conditions nécessaires pour réussir. Revenant sur les années passées, il calcule qu’il faut un peu plus de 9 minutes par gaine, sans compter l’étamage, 46 personnes dont contremaître, 3 étameurs travaillant à forfait et 2 dactylos.

On apprend aussi que la seconde travaillée vaut 2,8 dixièmes de centimes et que le salaire à Saint-Antonin des manœuvres (ouvriers) est 86,50 francs de l’heure. (page 10).

Suivent le prix des matières premières, de façon très détaillée jusqu’à la vaseline, le papier sulfurisé, le carton ondulé, les étiquettes. Page 15 est détaillée la soumission de 1953 soit 401 secondes par gaine. Dans les pages suivantes, les calculs précis permettent de comprendre à la fois les process dans la fabrication et les coûts.

En 1955, G.R. revient sur les calculs espérant peut-être un renouvellement. Page 22, il met par écrit ses précautions (attention aux virgules, refaire souvent les calculs).

Les décomptes par postes permettent de voir d’où viennent les matières. L’acier vient de Champagne, le charbon de Carmaux, la graisse et le produit de dégraissage sont de marque Hougton (Philadelphie, à l’origine ; www.houghtonintl.com). Le fuel peut venir de partout, l’acide chlorhydrique de l’usine de Boussens (Haute-Garonne) du groupe Kuhlmann, chrome de Bozel-Maleta à Toulouse, briques du four du Saut-du Tarn à Saint-Juéry, les caisses réfractaires de Paris. Une mention spéciale pour la force motrice désormais tout électrique. Sur les marchés précédents, il a été consommé 57 435 kWh. En 1955, il table sur des prix identiques : 0,035 francs le kwh (page 27).

Un paragraphe sur les primes est intéressant. G.R. prévoit 10 % de primes à partager entre les ouvriers des presses et le régleur qui installe les matrices sur les presses, les ouvriers de tours et les contrôleurs, soit 27 personnes qui auraient globalement 56 000 à 50 000 francs. Tous ces calculs sont résumés dans les  tableaux des pages 44  et suivantes, les chiffres étant ventilés selon plusieurs formules.

Calcul des primes ; l’intérêt de la page  45 est de donner des noms des ouvriers et leur poste de travail. Dans cette page, le détail des 45 postes est affiché : lisant la fin du tableau, il nous permet de confirmer que les deux usines (Clastres et Gravier) sont en activité. Toujours dans les questions sociales, les pages suivantes traitent des primes.

Une seconde partie, pages 46 et suivantes, le cahier nous détaille toutes les phases de la production, soit 47 étapes, jusqu’à l’emballage. Toutes ces étapes sont documentées avec parfois des petits dessins qui expliquent comment les machines fonctionnent.

À la fin de l’usinage (page 65), le marquage est expliqué : TREM17 – P (soit Toulouse, Rodolausse, référence de la gaine et P pour épreuve 1 200 kg satisfaisante).

Pages 68 et suivantes, c’est le contrôle qui est détaillé : c’est un point capital et Georges Rodolausse indique que pour un nouveau marché, la présence d’un contrôleur en place dans l’usine est nécessaire..

L’étamage, n’est fait qu’en temps de paix car il s’agit de protéger les pièces pendant le stockage. Après de nombreuses pages de description, G.R. revient sur la qualité de sa production et un incident (page 82) dû à l’inexpérience d’un jeune ingénieur à Clermont-Ferrand qui n’avait jamais fait un tel travail.

Les dernières opérations au Gravier sont les contrôles aux instruments vérificateurs (4 femmes), passer tous les filets à la filière (3 hommes) graisser au four et emballer (4 femmes ou 3 hommes) pour 12 000 pièces en 9 heures. Toutes ces opérations sont décrites dans les pages suivantes. Un contrôleur de l’État, faisait un test en prélevant 150 pièces par lots de 10 000 passées à l’épreuve du chiffon humide pendant 12 heures (eau de la ville) pour voir si des points de rouille apparaissaient. Au cas où, les pièces auraient été ré-étamées mais ce n’est jamais arrivé.

Page 91, est présenté un récapitulatif des dépenses, établi en 1952. À la fin de l’année, Rodolausse avait encaissé 44 340 288 francs (petite mention page 93).

Page 94, commencent  les calculs pour le Promptocric. Cet appareil, décrit dans sa genèse et son destin dans le livre sur la famille Rodolausse, permet de lever de lourds véhicules par la force du gaz en bouteille, sous pression qui actionne un piston. Le produit remplace la manivelle qui exige de la force et doit séduire, entre autres, les conductrices de plus en plus nombreuses. Ces pages détaillent les temps passés pour produire, les prix des composants dont les bouteilles de gaz qui représente 30 à 33% du prix de revient.

Ce qui est intéressant, c’est page 96 le calcul des prix pour deux clients possibles : Kléber-Colombes (pneus) et Esso-Standard (carburants et stations-service) qui pourraient être prescripteurs et utilisateurs. Le  Promptocric n’a pas trouvé son marché mais il a été fabriqué, puisque dans l’inventaire  de 1954 (page 116, il est mentionné 206 appareils à 4500 francs).

Landaus

On sait que Rodolausse a produit des poussettes d’enfant et des landaus, mais ces pages (à partir de 103) posent un problème car elles ajoutent le mot jouet dans les calculs de 1951.

Nous n’avons pas vu d’exemple de ce modèle jouet.

Le décompte fait apparaître le nom de Daumont, ce qui éclaire la page125, où les calculs sous ce nom pouvaient faire penser à un autre type de jouet, le train. De fait, il s’agit du train pris dans le sens de véhicule de transport, dont les roues. 

Le prix de revient des landaus à 1183,14 francs ajoute à la perplexité : s’agit-il réellement d’un jouet à ce prix-là ? La conversion en euros valeur 1951 donne, selon l’Insee, environ 180 euros en pouvoir d’achat de cette année-là et 3 181 en 2022.

La roue Brémant  (pages 109-110) pose aussi des questions car nulle part, à part dans ce carnet, le produit (roues de 200 mm) n’apparaît. Est-ce une réflexion pour un nouveau produit qui est important : le total du compte « outillage »  donne 313 850 francs. Il n’est pas mention de quantités et donc de prix unitaires. Les opérations de fabrication (maison) de cet outillage sont longues : par exemple 20 jours pour les poinçons, les matrices, 10 jours pour les outils de découpage (pages 109).

Puis, en fin de document, inventaire de 1951, état des dépenses en 1954 (à 16 heures le 11 février – admirez la précision) : 3 030 021 francs). 

Le tableau n’indique pas les recettes. Cette moitié de compte analytique détaille tous les postes, ce qui est capital pour comprendre le fonctionnement de l’entreprise alors.

La page 114, en quelques phrases, montre que Georges Rodolausse, en 1951, se posait des questions sur l’avenir de l’entreprise, dont sa localisation.

Il est à noter que tous ces décomptes très précis ne donnent pas de précisions, ni d’images, sur l’intérieur de l’usine, sur son agencement, son fonctionnent.. Cela est valable pour les autres périodes. Nous avons des listes de matériel, des croquis, mais pas d’images. 

C’est par d’autres sources que nous savons que l’étamage se faisait un peu plus loin que l’usine du Gravier (voir livre) mais rien de plus sur la répartition des productions.

Quoi qu’il en soit, le carnet est une source exceptionnelle tant sur le plan technique que sur la gestion.

DP