Congrès international du Caire : 5/ les systèmes en concurrence

Sommaire

Congrès international du Caire : 1933 : présentation

Congrès international du Caire : 1933 : 2. Que préconiser ?

Congrès international du Caire : 3/ des conclusions biaisées

Congrès international du Caire : 4/ vu de Rodolausse

Congrès international du Caire : 5/ les systèmes en concurrence


Congrès international du Caire : 5/ les systèmes en concurrence

Le Congrès a débattu de plusieurs systèmes très divers, défendus par leurs promoteurs respectifs  ; sans entrer dans les détails, donnons quelques informations sur : 

  • le crocodile
  • le cab signal
  • l’ATC : automatic train control.

Le crocodile : défendu par la Compagnie du Nord qui avait déjà équipé son réseau et qui répugne donc à modifier son équipement.

Dispositif de forme allongée placé entre les rails en amont du signal. C’est un patin en acier, de deux mètres de long environ, sur lequel vient frotter une brosse fixée sous le châssis des engins moteurs ou pilotes. L’ensemble transmet l’information par contact électrique. Le crocodile fut inventé en 1872 par les ingénieurs Lartigue et Forest de la Compagnie des chemins de fer du Nord. (source wikipédia).

  • Rôle du crocodile :
    • il répète en cabine l’instruction « fermé » ou « ouvert » d’un signal. Ce rôle est primordial, notamment en cas de mauvaise visibilité (brouillard, soleil rasant).
    • il donne l’assurance de la bonne vigilance du conducteur.
    • il insiste sur le caractère restrictif du signal qui vient d’être franchi.
    • Il permet d’enregistrer sur bande graphique l’aspect du signal franchi (ouvert ou fermé) ainsi que l’action de vigilance du conducteur.

Le crocodile vise à renforcer la vigilance du conducteur (argument mis en avant au Caire par Duchâtel et la Compagnie du Nord) complété par le Flaman (le mouchard) qui enregistre (après coup)  sur bande papier toutes les données du parcours.

Nota : le Flaman est fabriqué par les Ateliers Vaucanson qui sont aussi les fabricants de la boîte Rodolausse.

Eloi Rodolausse expliquera que ces fonctions sont aussi remplies par son appareil.

Le CAB signal  – Cabine signal :

  • Système de signalisation ferroviaire dans lequel les indications sont transmises à l’agent de conduite par des voyants lumineux placés dans la cabine.

Il s’agit de répéter dans la cabine le signal placé le long de la voie pour s’assurer qu’il est bien pris en compte par le conducteur. Tous les systèmes (crocodile, Rodolausse) ont cet objectif mais le CAB mise encore sur la vigilance du conducteur et n’impose pas de freinage automatique ou de ralentissement, en cas de défaillance humaine.

Source : https://trainconsultant.com/2020/05/30/la-signalisation-une-longue-et-lente-maitrise-du-danger/

L’État a imposé aux compagnies de l’époque (1933)  la généralisation de la répétition en cabine des signaux (CAB signal) : un essai a eu lieu sur la section Caen-Cherbourg en 1935. Cet essai a été concurrent des essais du Rodolausse qui n’ont pas été réalisés comme l’avait demandé et financé le Parlement. (voir page assemblée nationale)

Eloi Rodolausse explique que ces fonctions sont aussi remplies par son appareil.

——–

Le cab-signal, concurrent du crocodile ? (source : Georges Ribeill Historail – avril 2014 – )

Chef adjoint de l’exploitation des chemins de fer de l’État, le polytechnicien Lemonnier a évoqué ce choix du cab-signal ou signal d’abri (Le cab-signal et la sécurité. Groupe des X cheminots, brochure n® 20). La vitesse accru des trains a fragilisé l’observation des signaux de voie: le mécanicien a 10 secondes pour voir un signal placé
en alignement à 333 m, atteint à 120 km/h… « La question de la répétition sur les machines des signaux des annonciateurs fermés est une des questions des plus délicates qui se posent dans l’exploitation technique »
(p. 15), mal réglée par le crocodile: « il donne l’indication « signal fermé » par émission de courant, non par rupture d’un courant » si bien qu’en cas de défaut d’alimentation, « le signal fermé n’est pas repéré sur la machine, sans que rien puisse permettre au mécanicien, s’il n’a pas vu le signal, de soupçonner que l’appareil est défaillant. » D’où l’intérêt du cab-signal, système de signalisation continue en cabine par le jeu de 3 ou 4 voyants lumineux de couleur différente, impliquant des circuits de voie tels ceux requis par le block automatique, mais autorisant à la limite la suppression des signaux de voie. En 1934, le cab-signal est donc déployé sur 140 km de double voie de Caen à Cherbourg et 100 machines équipées.

Aux États-Unis, pour ses vertus, le cab-signal vient se substituer au train-control; les réseaux qui avaient été mis dans l’obligation de réaliser le train-control sont dispensés de cette obligation sur leurs lignes pourvues du cab-signal. Plus de 1000 km de lignes seront exploités sans signaux de voie, une extension restée limitée par le coût très
important de la mise en oeuvre du cab-signal. C’est justement pour cette raison qu’il ne sera pas répandu en France, explique le même Lemonnier après-guerre, « parce qu’à son apparition, la France avait déjà généralisé la répétition des signaux par l’adoption du crocodile. »
(La sécurité des transports, Eyrolles, 1945, pp. 139-140).

Ainsi le crocodile avait « protégé » la France de l’invasion possible du cab-signal…

l’ATC : L’Automatic Train Control

Le principe est celui du cantonnement de la voie en deux (vert ou rouge) ou en trois (vert, jaune, rouge) sections commandées par le passage du train sur la voie : un signal ne sera ouvert pour permettre le passage d’un convoi que si la section en aval est libre. Lorsque le convoi pénètre dans la section aval, le signal revient à la position fermée (indication « arrêt »), manuellement ou automatiquement ; ainsi le convoi qui suit sera arrêté au pied du signal.

Une autre version a un  fonctionnement inverse : les signaux sont ouverts sauf si la section est occupée. Ainsi si deux convois se suivent sur un tronçon à voie ouverte, le second verra les signaux s’ouvrir au fur et à mesure que le premier dégage les sections en aval, et ce sans la moindre action humaine.

« Celui-ci est en quelque sorte un arrêt automatique aménagé avec souplesse. Si, cinq secondes après le passage du signal annonciateur à la position « avertissement », le mécanicien ne tient pas compte de l’indication qui lui est donnée, le train control ralentit l’allure du convoi. Si, malgré cette intervention, le mécanicien persiste à ne pas agir, et s’il laisse le convoi franchir le signal d’arrêt absolu, le train control entre à nouveau en action et stoppe le convoi. »

« Il convient de signaler équitablement que les réseaux américains qui ; par décision gouvernementale, avaient été mis dans l’obligation de réaliser le « train control », ont été relevés de cette obligation sur un grand nombre de lignes pourvues du « cab signal ». En Amérique également, l’amélioration de la signalisation a donc triomphé des dispositifs destinés à parer à d’éventuelles fautes du mécanicien. »

Source : Pierre Devaux : les Chemins de fer – Que-sais-je ? 1943 pages 90 et suivantes

L’Automatic Train Control imposé aux USA ?

 (Source : Georges Ribeill  – Historail – avril 2014 )

« En Allemagne*, des appareils électromécaniques ou électromagnétiques avaient été testés avant guerre, puis abandonnés. Siemens reprend les recherches, basées sur des systèmes sans contact à base d’induction électromagnétique (Indusilor).
Aux États-Unis**, en 1906, le Sénat et la Chambre des représentants chargent l’Insterstate Commerce Commission (ICC) d’étudier un système de contrôle automatique de la marche des trains en même temps que le block-system. Divers essais ont lieu jusqu’à la guerre et l’État prenant en 1917 le contrôle de tous les réseaux, en janvier 1919, un comité est chargé de développer un système dit Automatic Train Controi (ATC) satisfaisant à deux buts: freinage en cas de rencontre d’un signal d’arrêt jusqu’à l’arrêt définitif, ralentissement imposé en cas de rencontre d’un signal de limitation de vitesse jusqu’à la vitesse autorisée: le freinage automatique du train sans l’intervention du mécanicien était ainsi recherché, rendu possible par la généralisation du frein continu aux États-Unis.
Lorsque le contrôle de l’État prit fin début 1920, !’American Railroad Association, bien qu’hostile comme les mécaniciens à l’ATC, se voyait imposer par l’ICC la poursuite de ces recherches: des machines circulant sur certaines lignes désignées par l’ICC, telles celles de la compagnie Atchison, Topeka and Santa-Fé sujettes à des brouillards fréquents dans la vallée du Mississipi, seront ainsi équipées de l’ATC. À cette démarche, les ingénieurs français préféraient la répétition des signaux sur la machine et non l’action sur les freins, les réseaux étant équipés non seulement d’enregistreurs de vitesse mais aussi de contrôle de la vigilance du mécanicien, tous dispositifs inconnus aux États-Unis. Bref, « il est certain que les Américains sont nettement en retard sur nous », ignorant nos crocodiles. »

* Revue générale des chemins de fer, octobre 1928, pp. 440-449.

** De Boysson, « La répétition des signaux et l’arrêt automatique des trains sur le chemin de fer américains », RGCF, janvier 1922, pp. 3-11 ; Note, RGCF, août 1928, pp. 252-256.

Eloi Rodolausse explique que ces fonctions sont aussi remplies par son appareil mais dans le cas de l’ATC, par des moyens mécaniques alors que le système américain est basé sur l’électricité ou l’induction (voir plus haut).

Page 2 d’une lettre adressée le 20 mars 1934 par Eloi Rodolausse à M. Flandrin, concernant le Cab signal et le Crocodile.